Lettre à Mikhy pour ses 18 ans

Ecrit par sa maman, le 9 août 2018, pour les 18 ans de Mikhaël

Lettre à mon fils,

Mon Mikhael, mon fils, mon chéri.
Il y a exactement 18 ans, avec toi, grâce à toi, je devenais Maman pour la quatrième fois.
Tu es né le 9 Aout 2000, le jour de la Saint Amour, un beau jour pour venir au monde.
Tu étais un très beau bébé, né un mois en avance, tu étais bien petit (49cm), bien léger (2kg5), mais ton père t’appelait déjà « l’athlète » en soulevant tes petits bras si fins.

Tu as fait de deux familles, une seule, réunissant tous ceux autour de toi par l’amour qu’ils te portent. Et de l’amour tu en reçois sans aucun doute autant que tu en as donné.

À 4 ans, tu m’as dit vouloir « porter des lunettes comme ton copain ». Je pensais un caprice, mais devant ton insistance je me suis dit qu’une petite visite chez l’ophtalmo ne pouvait pas faire de mal. Et tu as porté des lunettes comme ton copain Jules! Cela t’a donné un petit air d’Harry Potter qui ne te quitte pas!

A 5 ans, ta maîtresse te trouvait « attardé » car tu ne savais pas « dessiner le bonhomme », et d’ailleurs m’avait elle dit « c’est un peu de votre faute, vous avez 4 enfants et vous travaillez? Votre fils a besoin de vous! ». Après quelques tests, tu n’étais pas « attardé » mais précoce! Et tu ne dessinais pas bien le bonhomme car tu voulais justement le dessiner trop bien! On t’a appris à dessiner, et tu en as profité pour apprendre à lire tout seul! Moralité, tu as sauté le CP, au nez et à la barbe de la maîtresse effarée! Tu aimes bien que je raconte cette histoire! Elle est drôle, après tout!
Quand on est né en plein mois d’août, on est souvent en vacances pour son anniversaire, alors tu as fêté tes anniversaires un peu partout dans le Monde. Et nous avons des photos de toi, montrant ton âge avec tes doigts, et ton grand et beau sourire sur tes lèvres. Car, toi aussi tu te trouvais « en avance ». Alors tu aimais dire que tu avais ton âge mais la « majorité de 4 ans de plus »! Donc tu avais 5 ans mais « la majorité de 9 ans! », ce qui te donnait le droit de jouer aux jeux autorisés aux enfants de 9 ans! On te laissait faire, on souriait même!

Et puis tu as eu « la majorité de 14 ans », tes 10 ans donc! Tu étais en Afrique au milieu des Massai, et nous avons de belles photos de toi ouvrant grand tes deux mains aux dix doigts bien écartés! Et toujours ton sourire, et toujours ta joie « j’ai la majorité de 14 ans! ». Cela ouvrait tout un monde de nouveaux jeux désormais disponibles!

On s’est dit que ce serait compliqué la photo l’année prochaine: comment faire le chiffre 11 sur une photo avec deux mains! Il faudrait avoir de l’imagination! On pensait avoir un an pour y réfléchir… On avait le temps…

Parce quand on est né en l’an 2000, « on a une chance sur deux d’être centenaire », c’est ce que toutes les statistiques disaient! Cela m’avait amusé de t’imaginer petit vieillard centenaire, j’étais rassurée, tu en verrais des choses! Les statistiques le disent oui, mais pas la vie!

Et pour tes 11 ans, on n’a pas eu besoin d’avoir de l’imagination, la vie en a eu plus que nous, comme dit souvent ton Papa.
4 mois après tes 10 ans, le 22 Novembre 2010, on apprenait le nom d’une maladie qu’on aurait aimé qu’elle restât inconnue « un gliome infiltrant du tronc cérébral »! Et oui, on a appris qu’il existait dans ce monde des maladies au nom incroyable qui tuent, chaque année en France des enfants, faute de recherches, faute de moyens. Je me souviens avoir demandé au médecin qui nous annonçait que la terre s’effondrait, de m’écrire sur une feuille de papier le nom de ta maladie: « vous pouvez m’écrire sur un papier le nom de la maladie de mon fils, Monsieur s’il vous plaît? ». Oui, je ne sais pas pourquoi, même dans ces moments là, dans cette salle sans âme de l’hôpital Necker, au moment le plus atroce qu’il nous soit donné de vivre, on reste polis!

Toi, mon fils, tu étais dans une chambre à côté, et tu me gardais le fromage et un bout de pain de ton plateau d’hôpital car « tu ne vas pas pouvoir manger Maman, alors je t’ai gardé le fromage, je sais que tu l’aimes »!

Je ne peux plus manger un bout de camembert sans penser à ce bout de camembert là, celui que j’avais tellement peu envie d’ingurgiter mais que j’ai mangé devant toi, en te remerciant, en t’embrassant, en essayant de masquer le plus possible mon visage défait, pour ne pas « t’inquiéter! » Peut être la première fois de ma vie, où j’apprenais à porter un « masque souriant » pour cacher mon visage de souffrance. Il ne me quitte plus beaucoup ce masque, chéri!

Car ce désormais fameux pour nous hélas, « gliome infiltrant du tronc cérébral », tue chaque année une cinquantaine d’enfants en France, implacablement!
En 2011, tu étais l’un d’entre eux, le 23 Février précisément, et le 9 Aout suivant, nous n’avons pas pris de photos!

Et aujourd’hui chéri, ce 9 Aout 2018, tu as 18 ans!

Mais c’est la 8ème fois que nous ne serons pas avec toi! Enfin oui, bien sûr que nous serons tous unis, ensemble, avec toi. Mais tu ne seras pas physiquement présent.

Dans ma vie aujourd’hui, mon fils chéri, tu es présent. Tellement présent. Pas un jour sans que je ne pense à toi, et quasi pas une heure. Cela peut sembler fou, mais tellement vrai. C’est ainsi.

Je regarde tes photos d’enfant, et je me demande comment tu serais aujourd’hui…
Ce que tu ferais…

Je sais bien que ces questions sans réponse ne sont qu’une torture supplémentaire qu’on s’inflige à nous même… Mais cela semble pourtant inévitable, comment faire pour ne pas faire…

Je veux encore te dire, mon fils chéri, que ces 10 ans avec toi, valent une vie.
Que ta présence à nos côtés, ne s’est pas interrompue, même si elle a changé de forme.
Que ta vie avait un sens, a un sens.
Et qu’un jour, j’espère que je comprendrai le pourquoi de tout cela. C’est trop de souffrances, pour qu’il n’y ait pas d’explications.

Alors aujourd’hui, tu as 18 ans, la vraie majorité, même si nos photos d’anniversaire s’arrêtent, même si dans nos mémoires tu en as 10 pour toujours.

Bon anniversaire mon fils, je t’aime.

Maman