Ecrit par sa maman, le 23 février 2015, 4 ans après le départ de Mikhaël
” Mikhael, mon fils,
Nous sommes fin 2010, tu venais d’avoir 10 ans, jamais aucun souci de santé, tu venais d’entrer en 6eme avec un an d’avance, tu étais heureux de cette nouvelle autonomie qui devenait la tienne.
Moi ta Maman, j’étais heureuse aussi de te voir grandir, et en même temps un peu tristounette, car je me rendais bien compte que mon petit garçon devenait de moins en moins “petit”… Je le savais pour l’avoir vécu avec tes frères plus grands, qu’entre l’enfant qui entrait au 6eme en Septembre, et le pré ado que je retrouverai en décembre, il y avait un monde.. Alors je savourais ces derniers instants, ces derniers câlins d’enfants, ces dernières ballades dans Paris, avec ta main dans la mienne. Oui, je me revois marcher dans la rue, te tenant la main, Mikhael, posée délicatement dans la mienne, en me disant “profite, Nathalie, profite… Bientôt ton petit garçon ne te donnera plus la main…”.
Je n’imaginais pas la raison pour laquelle mon petit garçon ne me donnerait plus la main… La raison, c’est cette tumeur au cerveau, inopérable, incurable, qui bientôt t’handicaperait totalement, Mikhael. Cette tumeur qui te “donnerait mal à la tête” pour la première fois le 15 Novembre, qui serait diagnostiquée le 22, qui t’empêcherait de marcher dès le 23 novembre et qui finirait par t’ôter la vie en ce maudit 23 Février 2011!
4 ans aujourd’hui…
4 ans que nous survivons désormais.
4 ans que chaque jour, chaque matin, chaque soir, chaque seconde, nous sommes en manque de toi mon fils! Moi qui pleurais à chaque départ en colo me demandant comment j’allais faire 3 semaines sans toi! Je dois maintenant survivre pour le reste des semaines qu’il me reste à vivre. Te survivre….
C’est inconcevable de survivre à son enfant. C’est insupportable, inhumain!
Bien sur on aurait donné notre vie pour toi, pour partir à ta place, combien de fois avons nous prié Dieu ces semaines là, pour qu’il nous prenne à ta place! Pour que tu vives! Mais peut être aussi pour que nous n’ayons pas à te survivre!
Hélas, mille fois hélas, nous n’avons pas été entendu, et nous avons dû recueillir ton dernier souffle, non sans que tu nous aies dit que tu nous aimais, non sans que nous t’ayons, nous aussi assuré, de notre amour pour l’éternité.
Et là nous n’avons pas menti, chéri, c’est bien pour l’éternité que nous t’aimons et allons t’aimer.
Mais aujourd’hui, et depuis 4 ans, nous devons surtout réapprendre à vivre ou, nous pourrions dire, apprendre à survivre.. Et je t’assure, mon fils, que ce n’est pas facile.. Bien sur tout le monde dit “qu’il n’y a rien de pire que de perdre son enfant”, mais je crois que l’on n’imagine pas la douleur permanente et étouffante dont il s’agit! Bien pire encore que ce qu’on imagine…
On ne s’en sent plus de ce monde, on aimerait que la terre arrête de tourner, on ne rit plus des mêmes choses, on ne rit plus d’ailleurs, ou alors des rires qui n’ont pas la même profondeur, la même insouciance, la même résonance dans tout le corps que les rires “d’avant”.
Parce qu’il y a un “avant” et un “après”!
Après, c’est aujourd’hui. Le temps passe moins vite… Je ne me souviens jamais de la date, ni même du mois, ou de l’année à laquelle nous sommes. Et puis, s’agissant du dernier jour de ta vie, j’ai l’impression que c’était hier, alors qu’en réalité c’était il y a 4 ans aujourd’hui, et que pour la plupart des gens, c’est “il y a longtemps”. Un fossé entre nous et “le reste du monde” qui se creuse…
Que n’avons nous pas entendu pendant ces 4 ans: il nous faut “avancer”, “tourner la page”, être là pour les autres… Et puis, on fait de moins en moins attention à notre douleur, comme si avec le temps elle s’était estompée, alors qu’elle s’amplifie encore. Oui désormais, on nous souhaite “une bonne année, bonne santé” comme si de rien était. On prononce de moins en moins ton nom. On oublie de nous faire signe à ton anniversaire, ou comme aujourd’hui à l’anniversaire de ton départ.. J’avoue chéri, que bien sur je n’en veux pas à ceux qui ne te connaissait pas… J’ai plus de mal avec ceux qui te connaissait… Peut être me faut il encore du temps… Peut-être ne m’y ferai je jamais…
La seule chose que j’aimerais, c’est que toutes ces personnes qui ont vécu notre drame, même à grande distance, savourent aujourd’hui la joie d’avoir chaque soir, chaque matin, leurs enfants auprès de d’eux.
Moi qui donnerais tout, absolument tout, pour te voir encore une fois, pour embrasser ta douce joue, pour entendre ton rire clair, pour plonger mon regard dans la lumière de tes yeux pétillants, pour serrer ton corps contre le mien, ou juste pour te regarder, marcher avec tes longues jambes et tes longs bras, rigoler en jetant ta tête en arrière, ou courir pour rejoindre tes copains au parc…
Oui, je souhaite de tout mon cœur, que les parents prennent du recul sur les petits soucis du quotidien pour parvenir à savourer pleinement l’essentiel: être ensemble!
Et puis Mikhy, il y a cette association: Les Amis de Mikhy.
Elle est née, un an après ton départ. Comme un renouveau…
Parce qu’après avoir vécu, avec toi, ce que nous avions vécu, nous ne pouvions pas refermer cette porte sur le monde dur des enfants malades.
Nous avons vu d’une certaine façon, ce qu’était l’hôpital pour les enfants malades, pour leurs parents, pour leur famille, vu tout ce qu’il fallait encore faire progresser pour le “mieux être” des malades, mais aussi de leur famille… Nous l’avons vu mais aussi et surtout ressenti dans notre chair.
Alors, nous avons décidé d’essayer d’aider…
Je ne dis pas que c’est facile tous les jours d’être plongé dans ce monde là.
Et je ne vois pas cela comme un prolongement de toi! Non, toi, chéri, tu n’es plus là! Je ne le ressens que trop!
C’est plutôt une main tendue, vers les autres.
Essayer chaque jour d’apporter une petite pierre à l’édifice pour rendre ce monde meilleur.
Rencontrer des personnes qui se battent auprès des enfants qui comme toi, ont vu un jour leur vie recevoir LA nouvelle qui allait la bouleverser!
Trouver ses personnes absolument admirables.
Ressentir un profond respect pour leur travail.
Et vouloir les aider, pour, à travers elles, aider les enfants, leurs parents, leur famille…
Parce que quand on traverse une telle épreuve TOUT est dur, difficile, douloureux..
Alors il ne faut pas ajouter de poids à ces difficultés, même le poids d’une simple plume.. Mais au contraire, tout faire pour alléger tout ce qui peut l’être..
Pendant la maladie, et après, pour tous les enfants qui heureusement s’en sortent.
Parce que si soigner est essentiel, accompagner et atténuer le plus que faire se peut les séquelles est également essentiel.
Je sais Mikhael, Mikhy mon fils chéri, que tu aurais pu comprendre cela. Toi qui avais toujours la volonté d’aller vers les autres, de les faire rire, de les écouter…
Tu me manques,
Je t’aime, pour l’éternité.
Maman “