Eugénie

Eugénie, merveilleuse petite fille, a été l’une des premières enfants à bénéficier des groupes de thérapie mis en place à Gustave Roussy, par Les Amis de Mikhy.
C’est à cette occasion que nous avons fait sa connaissance, ainsi que celle de ses parents, Laurence et Guy.
Nous avions la chance d’avoir Eugénie présente lors de nos évènements, toujours avec le sourire et une belle énergie.

Eugénie a également été membre du tout premier Conseil des Enfants, et là encore, elle nous a énormément apporté: Eugénie avait beaucoup d’idées qu’elle défendait avec force et ténacité. Je souris encore aujourd’hui en me remémorant ces moments là…

Eugénie nous a quitté un jour de début Décembre 2016.
Mais nous ne l’oublierons jamais, et à sa manière, elle nous accompagne encore.

Eugénie a une soeur, Melody.
1 an après le départ d’Eugénie, Melody nous apporte son témoignage, de soeur d’une “enfant malade”.
Ce n’est pas une position facile, et de nombreux frères et soeurs nous le rapportent souvent: en ce sens le témoignage de Mélody est encore plus précieux.

Merci Melody de partager tout cela avec nous,
Merci Laurence et Guy de votre soutien constant,
Et Merci Eugénie d’avoir été celle que tu as été.

 

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Témoignage de Mélody, soeur d’Eugénie

 

Je partais au collège comme tous les jours, à pied avec mes copines, j’avais 11 ou 12 ans à l’époque. Rien de plus normal en somme, je savais que mon père devait emmener ma soeur Eugénie -3ans- chez le médecin suite à des migraines et des pertes de mémoires.

Le midi déjà j’ai pu sentir que quelque chose n’allait pas, c’est la mère de ma meilleure amie qui est venue me chercher en me disant que mes parents avaient dû aller à paris pour faire des examens complémentaires sur Eugénie mais « rien de grave, ne t’inquiète pas, c’est normal ».

C’est à partir de là que tout s’est enchaîné à la vitesse de la lumière. Les mots ne furent pas prononcés tout de suite : lésion, tumeur, et puis … cancer. La bombe était lancée et mes valises amenées chez ma meilleure amie pour les semaines à venir.

Les enfants du collèges se sont mis à lancer des rumeurs -coma, mort et j’en passe et des meilleures-, alors bien-sûr je ne les prenais pas vraiment au sérieux mais ça avait le mérite de bien me faire cogiter.

Je me dois de vous livrer une petite anecdote qui m’a valu d’aller pour la première fois dans le bureau de la CPE et qui, avec le recul me fait bien rire : En cours de latin, nous parlions du cancer et la prof nous a dit que c’était une maladie contagieuse…vous imaginez sans doute ma réaction ! Pour la première fois la petite Mélody sortait les griffes et osait répondre à un professeur.

Mais revenons à nos moutons…

Ok pour une pré-ado il n’y avait pas mieux que de vivre chez sa meilleure amie vous en conviendrez mais à la longue ce fut long … J’avais besoin de mes parents, de ma sœur avec qui je tissais une relation fusionnelle. Je m’inquiétais et j’étais loin, j’étais en colère car je ne pouvais rien faire et me sentais inutile.

Nous avons trouvé une solution pour soulager un peu ma famille d’accueil, des membres de ma familles se sont relayés pour venir me « garder » à la maison. A partir de ce moment ça allait un peu mieux alors que je ne me rendais pas compte que je n’allais pas bien avant ça…j’étais dans mon univers et ça me permettait d’avoir ma petite bulle d’intimité.

Les années passaient et j’arrivais au lycée. Je réussis à parler un petit peu de mon mal-être avec mes parents et nous avions mis un place un procédé pour que je puisse suivre ma sœur dans la cure de chimio qui avait lieu une semaine par mois, sans rater les cours. La psy de Gustave Roussy m’a fait un certificat et le lycée était prévenu. Je suivais mes parents et ma soeur à l’hôpital mais, en contrepartie, le matin je bossais de mon côté à la maison Mcdo et l’après-midi je rejoignais ma sœur à l’hôpital.

Lorsqu’on est une sœur ou un frère d’enfant malade il est parfois compliqué de se faire une place dans cet univers très particulier.

Les parents ne sont pas forcément disponibles moralement, psychologiquement et physiquement pour répondre à tous nos besoins et c’est bien normal. Je dois dire que dans mon cas j’ai eu beaucoup de chance d’avoir les parents que j’ai. Ils ont toujours essayé de faire leur maximum pour que je ne manque de rien et que je puisse être avec Eugénie. Mais ce qui a changé, dans mon cas du moins, ce sont les relations et les regards des autres membres de la famille et amis à mon égard -pas tous évidemment mais une partie!!- .

En effet, je me suis retrouvée le jours de mes 13 ans à fêter mon anniversaire et à voir les gens arriver avec des cadeaux pour ma sœur et non pour moi. Ça peut paraître ridicule, c’est vrai, mais à 13 ans avoir des cadeaux c’est super important!

Le pire dans ces cas là c’est qu’on se sent seul, que l’on pense que l’on a fait quelque chose de mal! Mais en parlant avec d’autres membres de fratrie je me suis vite rendue compte que c’était plutôt commun malheureusem

ent…

Eugénie et moi avions tissé une relation très forte où régnait une connivence et un soutien sans faille, ce qui m’a permis de garder la tête hors de l’eau alors que la plupart gens me considérait comme « la sœur de la petite qui a un cancer ».

Notre noyau familial -auquel s’est rajouté mon (merveilleux) chéri- a été très important pour moi car nous avons su rester liés malgré les épreuves et nous soutenir quoi qu’il ait pu se passer grâce au dialogue que nous avions su installer.
Le 10 décembre 2016, Eugénie nous a quitté, j’étais à son chevet et ce fut un énorme coup de massue.
Comment vivre en son absence ? C’est une question qui reste encore aujourd’hui sans réponse…
Elle a su nous apporter tellement que je ne saurais vous expliquer. Je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui sans cette expérience – vous pensez que je peux mettre sur mon CV que je sais installer une chimio ou décrypter les écritures de médecins? -.

Alors que j’écris ces mots cela fait 1an, je n’ai toujours pas réalisé je pense… mais le plus important c’est de vivre pour elle!
Ce qu’il faut retenir, de mon point de vue, c’est qu’il faut être à l’écoute les uns des autres, rester souder et dialoguer.

Je me souviens d’un papa se plaignant de sa fille parce qu’elle était jalouse de son frère malade. Elle n’avait que 6 ans et ne savait tout juste pas comment exprimer son inquiétude et le manque de son frère hospitalisé et de ses parents. C’est après de longues minutes à expliquer à son papa qu’elle n’était pas jalouse, qu’elle était juste inquiète et qu’il fallait y faire attention qu’il m’a gentiment dit que je ne savais pas de quoi je parlais. En le croisant quelques mois plus tard il s’est excusé et m’a dit que finalement je n’avais pas tort.

Il ne faut pas stigmatiser les comportements de chacun, il faut en discuter pour les comprendre et prendre les mesures nécessaires.

Je n’ai pas pour habitude de me livrer comme ça, mais je le fais pour Eugénie, car elle a toujours été exceptionnelle avec tous ceux qu’elle rencontrait, qu’elle mettait un point d’honneur à s’occuper aussi des frères et sœurs de ses copains et copines, elle ne laissait jamais personne de côté. Je me répète mais sans elle, je ne serais pas la jeune femme que je suis aujourd’hui…

Elle était ma petite sœur, je lui ai appris l’anglais mais elle m’a appris à vivre.